Le souffle de la nature
(Préface du d’une exposition personnelle au Musée des Arts Asiatiques )
Guillemette Coulomb
Conservateur du musée des arts asiatiques de Toulon
Dans le premier écrit sur la peinture de paysage en Chine, Zong Bing (375-443) disait : "Il s’agit de se purifier le coeur et de contempler la Voie en accomplissant une promenade par l’esprit". L’auteur attribuait ainsi au paysage naturel une dimension spirituelle(1) et philosophique, fondement de toute la pensée esthétique déployée autour de la peinture chinoise de paysage. À partir de là, les penseurs chinois ont construit les principes fondamentaux de leurs théories artistiques.
Zhou Gang artiste contemporain d’origine chinoise, réaffirme avec force les valeurs culturelles et artistiques traditionnelles de son pays en réinventant le passé par une expression plastique personnelle. Il apporte un nouveau souffle à l’art de la calligraphie et à la peinture de paysage. Ses oeuvres sont l’expression d’un langage entre les quatre éléments de l’Univers en plein mouvement: la Terre, l’Eau, l’Air et le Feu. Univers poétique dont les encres monochromes nous font penser aux oeuvres de Mi Fu* (1051-1107) véritable père de la peinture de paysage des Lettrés. Ce célèbre calligraphe
interpréta, à sa façon, les techniques utilisées sous les Song et les Yuan pour exprimer un sentiment personnel, une atmosphère dans un paysage monochrome et, plutôt que de représenter le réel, il le transformait.
Le concept du "sentiment paysage", Qing-Jing en chinois(2), jaillit des encres de Zhou Gang tel son "souvenir de la nature" ou encore "la source" et "les vagues noyées de brume"... Le pinceau et l’encre sont domptés. Sa manière de procéder en superposant les couches d’encre, les tâches marquées par le bout du pinceau de façon vigoureuse et réfléchie à la fois rappellent le style de Shen Zhou* (1427-1509) et de Gong Xian* (1619-1689).
Le souffle, Qi en chinois, toujours présent ainsi que le rythme, déjà visible dans les paysages de Dong Qichang (1555-1636), le yin, le yang et le vide médian, organisation
ternaire du monde, nous dévoilent la conception chinoise de l’univers et par là même de la peinture de paysage.
S’il fallait rapprocher la démarche de Zhou Gang de celle d’un peintre contemporain chinois très connu, ce serait Maître Zao Wou Ki : "peindre, peindre, toujours peindre, le mieux possible, le vide et le plein, le léger et le dense, le vivant et le souffle" qui a trouvé son originalité dans la conciliation d’une des formes les plus avant-gardiste de l’art européen (qui naquit après la seconde guerre mondiale), l’abstraction lyrique et de la peinture chinoise traditionnelle qui incarne la loi dynamique du réel et restitue l’image du chaos originel…
Picasso, ouvert à toutes les cultures, confia à André Malraux: "Vous connaissez les proverbes chinois, vous le chinois… Il y en a un qui dit ce qu’on a dit de mieux sur la peinture: il ne faut pas imiter la vie, il faut travailler comme elle..."(3).
(1) Spiritualité inspirée du taoïsme et enrichie par la suite de la philosophie Ch’an.
(2) François Cheng de l’Académie française, dans son livre du "Vide Médian" donne une excellente
explication du "Qing-Jing": celui-ci désigne l’interpénétration de l’esprit humain et de l’esprit du monde, tous deux étant censés mus par le même Qi "souffle esprit" et par le même Yi "désir, élan, intentionnalité"... cette idée de "sentiment paysage", à son tour, connaîtra au cours des siècles, un approfondissement continu. Elle s’exprime toute entière dans cette parole de Shitao, le grand peintre du XVIIe siècle: "je détiens le noeud de la montagne, son coeur bat en moi"… F. Cheng, Le livre du Vide Médian/Albin Michel/2004.
(3) Pablo Picasso, Picasso: Propos sur l’art/Paris/Éditions Gallimard, coll. art et artistaes, 1998.
Une lucarne sur l’univers
( Préface d’une exposition personnelle au Musée d’Art de Mingyuan )
Eric LEFEBVRE
Conservateur du Musee des Arts d'Asie - CERNUSCHI
Les peintures de Zhou Gang ont longtemps été habitées par des figures énigmatiques issues d’un Tibet légendaire ou d’un Occident rêvé. Ces figures qui, du point de vue chinois, incarnaient les confins du monde, ont petit à petit déserté son œuvre laissant le spectateur face à un paysage en deçà de tout lieu qui est avant tout celui de la peinture.
Pour Zhou Gang les années parisiennes ont été l’occasion de prendre du recul : retiré en soi il se consacre à l’écoute et à la transmission du rythme qui anime toute chose. Sa peinture n’est pas pour autant une transcription abstraite, elle reste au contraire profondément attachée à la nature. Ainsi en évoquant le cycle des saisons, le peintre ne décrit pas les apparences mais la dynamique secrète des éléments. Cette ambition est particulièrement manifeste dans le polyptyque « Souffle de la Nature », une composition traversée par le souffle, maître-mot de toute création selon Zhou Gang.
Alors que le peintre a adopté un point de vue fixe pour en faire une lucarne sur l’univers (car l’atelier parisien de Zhou Gang tient aussi de l’observatoire), il était naturel que ses œuvres voyagent, aujourd’hui à Shanghai, demain, nous l’espérons, de par le monde.
UNE VERITABLE FUSION ALCHIMIQUE DE DEUX CULTURES
( Préface d’une exposition personnelle au Musée d’Art de Shanghai )
FANG Zengxian
Directeur du Musée d’Art de Shanghai
Zhou Gang, jeune peintre établi à Paris, introduit grâce à son style original une touche unique dans la création picturale. Ses nombreuses expositions en Chine et à l’étranger l’ont déjà fait largement connaître. Malgré l’évolution de sa création, les matériaux chinois (encre de Chine et papier de riz) restent son principal sujet d’étude et sa première source d’inspiration. Ne doutant pas de la vitalité de l’art traditionnel, son intuition l’a peu à peu amené à changer de point de vue et de regard pour découvrir un monde nouveau.
L’Œuvre est l’accomplissement naturel de la vie. Zhou Gang est passé par une solide formation à la peinture traditionnelle, puis par le geste débridé. Aujourd’hui, toujours prêt à explorer des champs nouveaux, il est ouvert aux influences contribuant à enrichir une création originale. C’est par cette activité humaine qu’est la peinture qu’il poursuit le passé et fait entrevoir l’avenir. Il transforme le choc des cultures en force pour unir étroitement les formes de la peinture traditionnelle et la conscience esthétique moderne. A travers cette unification, il se forme son propre style original.
L’art de Zhou allie figuration et abstraction. Il reste profondément imprégné de l’esprit de la civilisation chinoise et naturellement équilibré. Une synthèse s’exprime à travers néant et clarté, antiquité et modernité, Orient et Occident. Cependant, d’une manière générale, nous pouvons facilement appréhender le sens que la peinture exprime: une respiration spontanée, un mouvement simple, un sentiment sacré, une rencontre d’un instant en même temps qu’éternelle.
Qu’il s’agisse de ses paysages ou de ses personnages, les formes ont été réduites à l’essentiel pour être intégrées dans une structure d’ensemble. Par cette analyse des formes, il les convertit en quelques éléments fondamentaux avant d’en reconstruire l’essence. Ces bases plastiques dépassent les apparences concrètes, laissant un vaste champ à l’imagination dans une forme spiritualisée, encore plus épurée. Un regard tout à fait particulier et nouveau sur le monde naît ici. Zhou Gang développe librement le style de la peinture chinoise et parvient à y fusionner la pensée esthétique moderne. Aux formes concrètes se substitue une composition d’apparences immatérielles. Les oeuvres de Zhou forment chacune un tout, sont la projection d’un univers. S’y retrouvent visible et invisible, vie et mort, esprit et matière: esquisse de l’ordre de la nature, vrai monde en réduction. Quelques formes concrètes se fondent dans le tableau, mais on ne saurait imaginer l’existence indépendante d’aucune d’entre elles. Zhou intègre tous les éléments individuels dans la composition, comme s’il voulait entraîner la réalité vers l’éternité.
La manière dont il utilise la technique et les styles du lavis n’est peut-être pas la vrai but de sa peinture. Ce niveau naturel de l’art pour lui que procédé. Son intention semble se dévoiler seulement de manière insensible. Comme « le boucher » de Zhuangzi, dont la technique révèle la connaissance du Principe, un sentiment quasi-religieux issu de l’existence se révèle dans la représentation de l’essence du monde sensible. Les causes du monde, symbolisée par les deux pôles Yin et Yang sont exprimées par toutes sortes d’éléments formels qui, dans le choc de leurs mouvements, interprètent une cosmogonie des plus primitives et des plus constantes. La limite entre objectif et subjectif, esprit et matière, est alors transcendée. Une effusion d’émotion sacrée naît alors.
Si Zhou Gang illustre une fusion Chine-Occident, il se distingue de ses prédécesseurs comme de ses contemporains. Il emprunte les meilleurs aspects, tout en restant circonspect, craignant d’avoir « les yeux plus grands que le ventre ». Il est stimulé par une force interne, naturelle, indicible même. Elle s’élabore au cours du processus créatif par un emprunt ininterrompu aux apports contemporains. Pour Zhou, la Nature est le seul Dieu, commencement et fin de toutes choses. Il pense que l’Art coupé de la Vie est vain. Par son intermédiaire, il manifeste les émotions qu’il retire de l’existence et du passé, tout en élevant ce processus vers les limites du dépouillement.
A Paris, Zhou Gang est parvenu à constituer un univers neuf en s’appuyant sur une méditation et une intuition pénétrant l’essence même du monde: il élabore une véritable fusion alchimique de deux cultures.
L’art de Zhou appartient à la Chine, mais aussi au monde entier.
RESONNANCES
( Préface d’une exposition personnelle au Musée d’Art de Liu Haisu )
Jean Paul DESROCHES
Le Conservateur général du Musée national des Arts asiatiques - Guimet
Lorsque l’on cherche à se rendre dans l’atelier parisien de Zhou Gang, aucun indice extérieur ne peut vous guider. Il faut errer longuement, à l’orée du quartier chinois, dans une rue sans âme qui pourrait appartenir à n’importe quelle ville de la planète. Au numéro 67, on finit par sonner au portail d’une résidence ni moderne ni ancienne où le béton rivalise avec le bitume et le gazon. Un hall gris, froid, suivi d’un interminable corridor silencieux et anonyme jusqu’à une porte qui s’ouvre… Au delà du seuil, un escalier intérieur qui conduit à un volume spacieux baigné de lumière.
Cet univers, celui du peintre Zhou Gang, est comme tenu secret, une intimité sereine où règne l’ordre: les livres sont rangés sur leurs étagères, les pinceaux dans leurs pots, les peintures sur leurs cimaises. L’odeur âcre de l’encre mêlée au papier remémore une Chine sans âge. Le piano, le violoncelle, les nombreux CD indiquent culte et pratiques musicaux du vieux continent. Une impalpable gentillesse fait d’attention et d’effacement atteste que le maître des lieux a vraisemblablement vécu au Japon.
Il n’est donc pas étonnant que ces diverses composantes culturelles se retrouvent dans ses créations. Forgé par une éducation shanghaïenne, Zhou Gang excelle dans l’art du métissage, et surtout, il n’est jamais où l'on croit le rencontrer.
Quand en Chine au début des années 80, on est sensé, en apparence à avoir affaire à une sorte de reporter, le pinceau à la main, brossant des portraits de Tibétains, on découvre derrière ses traits incisifs les germes d’une abstraction naissante. Il est probable que son séjour de trois ans à Tokyo quelques années après ait également contribué à le détacher encore du réalisme en cours. Il découvre dans l’archipel les couleurs pures et la fascination qu’elles exercent. A partir de fin1989, il s’installe à Paris, vivant alors à Saint-Germain des Prés, au cœur de la capitale française. C’est une ivresse nouvelle qui s’offre à lui entre le carrefour de Buci et le musée national du Moyen-Age. L’animation aux terrasses des cafés l’enchante et il nous le dit à sa manière, qui est un peu celle d’un Toulouse-Lautrec, avec cependant une sensualité moins charnelle. Il aime à représenter les femmes, celles que son regard croise, mais aussi celles dont il rêve. Quoiqu’il en soit, elles ressemblent toujours à ces images des années 50, longilignes et comme issues d’anciennes revues parisiennes, celles précisément qui circulaient sous le manteau à Shanghai pendant les décennies de torpeur maoïste.
Au réel, il ajoute une vision plus onirique qui peut-être plonge dans l‘inconscient de sa jeunesse. Une fois encore l’idéalisation est en marche. Il peint ce qu’elle transpose. La découverte de la « Dame à la licorne » dans son écrin de l’hôtel de Cluny arrive à point nommé. Le chef d’œuvre des liciers du début du XVIème siècle est à la hauteur de ses attentes. Il la transcrit, son métier devient béatitude. Incarné, mais immatériel, il triomphe du concret, enfin peut-il se fondre dans l’essence du monde. De la sorte, il renoue avec ses racines sans dénigrer l’Occident dans lequel il respire. Désormais, Zhou Gang passe d’un monde à l’autre ne retenant que les résonnances, sans nous imposer aucune structure autre que celle de sa propre mobilité.
ZHOU Gang - Orient et Occident
(Préface du d’une exposition personnelle au Musée d’Art de Takaoka)
KONO Motoaki
Directeur du Musée d'Art Moderne d'Akita
Professeur d'histoire de l'art à l'Université de Tokyo, historien d'art
Zhou Gang, est un peintre qui travaille avec acharnement et persévérance à l'idéal qu'il a longtemps cherché à concrétiser : la fusion de deux éléments. Il me semble qu'il a bien réalisé ce rêve, l'union des esthétiques orientale et occidentale. Rien n'est plus impressionnant que de voir ses œuvres où les épreuves et les efforts que lui impose sa création pour parvenir à cet idéal ne passent pas inaperçus.
Comment Zhou Gang interprète-t-il ces deux éléments? C'est l'Orient et l'Occident caractérisés par l'abstrait et le figuratif, le naturel et l'humain, l'encre et les couleurs, la pensée et la vision. Faisons une analyse à partir de ce point.
Né en Chine en 1958, Zhou Gang s'initie à l'art dans un pays fier d'une longue histoire et d'un vaste territoire. Ils ont nourri une culture prédominante en Orient : la civilisation chinoise. Il se forme dans ce foisonnement de la culture traditionnelle. Diplômé de l'Ecole normale supérieure de Shanghai, il poursuit quelques années ses études à l'Institut de recherche de l'Université de Tokyo, ce qui lui apporte une autre approche de l'Extrême-Orient. C'est sans aucun doute une connaissance plus vaste, plus profonde de la culture orientale dans laquelle il baigne comme un nouveau-né baptisé à l'eau bénite.
Je m'intéresse beaucoup à sa vie, à sa formation et à ses études à Shanghai. En tant que ville internationale dotée du plus grand port du monde, Shanghai n'a jamais rompu les contacts avec l'étranger. Cette métropole ouverte et riche d'aspects internationaux lui a valu le nom d'Espace Shanghai. Son atmosphère a fondé les bases de l'esprit mondialiste du peintre. Il n'est donc pas surprenant qu'il ait le désir brûlant de s'ouvrir au monde. La preuve en est qu'il est allé se perfectionner au Japon.
L'Occident est alors le vrai monde extérieur pour un Oriental comme lui. Fin 1989, il s'installe à Paris et commence une nouvelle vie. A vrai dire, Paris est la capitale mondiale des arts et de la mode. Il n'est pas de plus grand bonheur pour lui que de vivre dans une ville riche d'une longue tradition remontant au Moyen Age. L'Europe a certainement d'autres villes d'art ou connues pour la mode, mais il n'a absolument pas choisi Paris en vain.
Ainsi Zhou Gang commence-t-il à étudier à l'Université de Paris. C'est aussi la première fois qu'il fait face à la société occidentale. L'idée des deux éléments - Orient et Occident commence à se concevoir et à se manifester dans son art. C'est aussi la ligne qui sépare ses premiers travaux de ses œuvres récentes.
Une idée veut que : "East is East, West is West." L'Orient et l'Occident ont chacun leur propre système de valeurs qui ne sauraient se confondre. C'est certainement un défi radical au cours de son cheminement créatif. Exprimer directement, avec la sensibilité innée d'un Oriental, l'homme et la nature du monde réel occidental est devenu un sujet propre à lui, un thème difficile, presque impensable.
Si sa sensibilité était européanisée, ce serait extrêmement aisé pour lui d'interpréter les personnages et la nature du pays. Jusqu'à aujourd'hui, de nombreux peintres étudiant à Paris se sont ainsi assimilés à la culture locale. Ou au contraire, ce serait aussi simple de continuer à peindre dans le style traditionnel la nature et les personnages, car, "Hiver; Famille tibétaine", travail pour l'obtention de la maîtrise de l'Ecole normale supérieure de Shanghai et qui a gagné un premier prix dans une grande exposition, est déjà arrivé à un très haut niveau. Mais Zhou Gang n'a pas pris ce chemin facile. Il a tenu à intégrer la sensibilité orientale au réalisme occidental et à les fondre. Il lui semble avoir vécu un long moment de tâtonnement dans les erreurs et les épreuves avant qu'il ait trouvé cette solution en utilisant une technique orientale pour exprimer l'Occident.
La sensibilité orientale habite intégralement sa peinture à l'encre et au pinceau, une pure création orientale, elle n'est pas pour autant le résultat d'une préférence exclusive et séculaire pour l'encre et le pinceau. Dans la peinture à l'encre dite en "noir et blanc", est merveilleusement exprimée la philosophie chinoise qui considère "l'obscur"- le "noir" comme le comble du sublime. La pensée taoïste de Laozi et de Zhuangzi de cette philosophie a été longtemps le critère de la vie sentimentale des Chinois. L'art de Zhou Gang est basé sur cette peinture à l'encre, quelques vives que soient les couleurs.
Zhou Gang n'est pas seulement un héritier de la technique traditionnelle, il convient sûrement mieux encore de dire qu'il essaie de rompre avec cette idée. En réalité, ses œuvres récentes ne font pas tout de suite penser à celles qui ont été déjà publiées. La peinture classique chinoise datant des Tang a d'énormes contraintes techniques. La peinture moderne respecte ces règles. Zhou Gang les a apprises à l'Ecole normale supérieure de Shanghai, "Hiver; Famille tibétaine" était dans cette manière.
Mais, après son arrivée à Paris, Zhou Gang s'efforce de s'éloigner de la tradition. Cette technique classique est-elle peut-être un peu trop formelle? Interpréter les thèmes occidentaux avec cette recette ressemblerait au mélange d'eau et d'huile. A quoi cela aboutira-t-il?
Il se consacre corps et âme à la création d'une technique personnelle et toute nouvelle dans le lavis. Il a réussi. La technique d'expression qu'il a acquise directement dans l'expérience de la vie se marie d'une manière aisée et naturelle avec les thèmes occidentaux. Inimitable est cette technique, fermentée au plus profond du peintre et embaumée de parfum.
Bien que j'admire beaucoup un tel esprit créatif, je ne manquerais pas de dire que c'est aussi lié étroitement à la tradition orientale.
Il existe en Chine un courant esthétique estimant hautement les techniques personnalisées qui sont incompatibles avec la tradition. A notre époque, Zhao Zhiqian, Wu Changshuo et autres représentants de "l'école de Shanghai" ont un coup de pinceau typique de ce genre. Cette école peut remonter aux "Huit Excentriques de Yangzhou" de l'époque des Qing, ou plus loin à Xu Wei du milieu des Ming. Vu le parcours de Zhou Gang, l'école de Shanghai de la fin des Qing l'a plus profondément marqué. Bien que ce soit inconscient, une telle influence remarquable a été définitive. Voilà un aperçu de l'empreinte orientale.
Un autre aspect à ne pas négliger, c'est que Zhou Gang est un peintre qui a fait des études universitaires. La technique traditionnelle qu'il maîtrise parfaitement est la base solide de sa peinture. C'est une réalité qui se révèle naturellement, quelles que soient la perfection semblable à une robe sans couture et la liberté exubérante de ses œuvres. Il n'aurait pas eu ce don s'il n'avait pas subi une formation universitaire sérieuse.
Bien sûr, ce n'est pas son invention que d'utiliser l'encre et le pinceau pour peindre l'Occident. Il y a eu avant lui de semblables tentatives. Mais personne d'autre que lui n'a réussi à les fondre aussi bien. Aucun autre peintre n'a jamais eu un succès aussi éminent. L'objet de ce commentaire a été l'explication du secret de sa réussite.
Vers où ira-t-il après avoir trouvé ce qu'on appelle le style de Zhou Gang? Occidentaliser sa sensibilité en évoluant exactement comme les Européens dans la construction de l'espace? Ou, au contraire, revenir au point de départ, à la civilisation chinoise qui l'a nourri, se renfermer dans cette coquille qui le séparera du monde extérieur? Tout cela n'est plus possible.
Il n'a d'autre solution que de peindre le monde occidental avec sa sensibilité orientale, de rendre sa technique plus étendue, plus profonde, plus dynamique. Quelle joie ce sera ce jour-là si l'on retrouve dans ses tableaux le souvenir de la peinture orientale des personnages, paysage, fleurs et oiseaux! Dans cette dernière entreprise, l'attend sans doute un monde miraculeux transcendant les distinctions entre l'Orient et l'Occident.
Eternal sensibility of Chinese ink painting
Review of Zhou Gang’s works
ZHANG Peicheng
Director of Liu Haisu Art Museum
In the almost 20 years that I have been teaching art at Shanghai Normal University, Zhou Gang has been one of my most impressive students. I became his teacher, not because my level of painting was better than his, nor because I was much older and wiser than him, but merely because he started his academic studies later than me. Indeed, all of his classmates had already reached a very level of painting before starting academic studies. I also remember so well how hard he worked at his painting, with his desk completely covered in rice paper.
Most of his classmates are now living abroad and have already given up painting. But not Zhou Gang, who has continued the rare practice of Chinese ink painting. It must be one of the hardest and least lucrative professions. But Zhou Gang has never abandoned painting, which is the essence of his life and survival, in the same way that human beings cannot go without water and air. I am so deeply touched by this great personality that I am moved to write this review.
Zhou Gang and I have rarely seen each other over the last 20 years. However, I have occasionally heard of him and his life through friends and press reports. Last year, he paid me a visit to show me his works. To my great surprise, I learnt that he is still doing Chinese ink painting in Paris. He still has his dynamic energy and spirit, together with a certain serenity. And some elements of western have blended into his painting, both naturally and harmoniously.
I am surprised that his paintings still display strong Chinese characteristics, even more than the paintings of artists today in China. His paintings seem like a shock of ink on paper, from brush movements which are thick then thin, dry then wet, dark then light, combined in perfect harmony. Many forgotten aspects of Chinese art are expressed by his paintings. We may be insensitive to this nowadays, perhaps because it is so much part of us, or alternatively because we have experienced so many revolutions and changes that we have lost our bearings. Although Zhou Gang is influenced by western culture in Paris, he seems to feel more strongly the eternal sensibility of Chinese ink painting.
Zhou Gang first learnt ink painting in China. In 1987, he went to graduate school at the University of Tokyo in Japan and assiduously studied in modern art and Japanese art. Then, he went to Paris and graduated with a doctorate in plastic arts in 1990. He is thus an artist with a strong academic background. During his time in Japan, Zhou Gang was able to observe how Japanese art, whose origins come from China, was affected by modernization and exposure to Western civilization after Meiji Restoration.
Whether figurative or abstract, Zhou Gang’s ink paintings are full of vitality and the energy of life. They suggest a myriad of possibilities for future development. His paintings are full of free brush strokes which are harmoniously controlled by the artist. They represent his deep understanding and feeling of art and of life. As he said, “we live in a world of both conflict and harmony. It is a world of desires and ideals. My paintings show the living world, and through them I am also able to create a spiritual world.” Even when Zhou Gang’s works portray aspects of western life, he uses Chinese ink painting techniques. He combines traditional Chinese aesthetics with modern perspective to create his unique painting style.
Life force and energy are also special characteristics of Zhou Gang’s paintings. His brush dances on the paper with precise, sharp movements. You can read the artist’s feelings and thoughts from his works. His brush gives life to ink.
Today, paintings of Zhou Gang are exhibited at our art museum and published here in this catalogue. It is a great thing that people from his home town and his colleagues are able to see what he has achieved over the last two decades. There is no doubt that Zhou Gang, who is still in the prime of his life, has a very bright future.
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